• Le père se frottait le menton d’un air dubitatif.  

    - C’est à n’y rien comprendre, un piège a disparu et l’autre n’a rien attrapé. Il ne reste qu’un morceau de peau de la fouine. A croire qu’il s’est refermé tout seul et qu’ils sont venus se servir après...  


    Blog de lukasloup : Lukas, coeur de loup, Episode 31


    Il discutait avec ce vieux soûlard d’Ernest, venu à la maison pour la veillée. Tous les deux pariaient sur la taille de l’animal blessé mais assez costaud pour emporter un piège de cet acabit ; ce devait sûrement être un monstre. Sans doute était-il crevé quelque part dans les bois.  


    Lukas les écoutait l’air de rien, assis avec eux devant la cheminée. Il avait fermé ses yeux et appuyait sa tête contre le dossier de la chaise, comme s’il se reposait, mais il ne perdait pas une bribe de la conversation.  

    Toutes les informations qu’il pourrait obtenir lui seraient utiles. Tant que le traquet restait sur place, il serait utilisé et appâté jusqu’à ce qu’un loup y soit piégé. Foi de Gervais.  

    - Je t’aiderai si tu veux... proposa Lukas à son père, toujours les paupières closes.  


    Gervais était satisfait... son fils  faisait preuve de bonne volonté et se montrait enfin digne de lui.  

    - oui mon gars... on verra ça dans la semaine, et si ça ne marche pas j’irai au bourg acheter du poison...  


    Lukas s’avachit sur sa chaise ; il était clair que le père irait jusqu’au bout de son obsession meurtrière. Il voulait se venger mais aussi s’attirer un peu de la reconnaissance des autres paysans pour cette bonne œuvre. Il s’imaginait déjà traînant d’un air triomphant dans tout le village la dépouille d’un loup trucidé par ses soins. Après ils boiraient tous le canon pour s’en féliciter, ça ferait encore une bonne occasion de trinquer.

     

    ‘Ce monde est-il sensé..?’ se demandait le garçon. Entre les loups aux prises avec les paysans, Thilde et les événements tragiques à venir, l’infâme bohémien… où se trouvaient l’harmonie et la sérénité ? Là-bas dans les bois à l’abri des humains ? Juste là, dans la profondeur de son être..?  


    L’infâme bohémien et son rire… L’inquiétude monta en lui comme une urgence à régler sur le champ. Où se trouvaient-ils ce soir, lui et sa tribu ? Il devait savoir.  

    - Les  gitans d’hier… vous savez s’ils campent dans les parages ou pas… ? 


    Le père Ernest, toujours au courant de tout l’inquiéta encore plus : 

    ‘Ils sont installés depuis hier près du bois des Groppes, dans la friche du Pierrot…  

    Il renifla, but une rasade d’hydromel et continua 

    - faut pas qu’ils restent là… on n’est sûr de rien avec ces gens là… ça vole les poules pour se nourrir, le linge qui sèche dans les jardins et puis ça s’en va ni vu ni connu faire leurs mauvais coups ailleurs… 


    - Je vais faire un tour… dit Lukas en se levant brusquement malgré l’heure tardive. 

    Il avait ressenti le besoin impérieux de sortir et d’aller respirer un peu l’air du soir ; il aimait particulièrement ce moment de la journée, entre chien et loup. Mais il voulait surtout voir de ses propres yeux le bivouac des bohémiens.  

    Ses pas pressés le conduisirent en un rien de temps hors du village et aux abords de la friche. Il repéra très vite la fumerolle et les lueurs qui montaient par delà les haies, et avança silencieusement pour ne pas alarmer leur chien.

    Planqué derrière les buissons, il put observer les intrus à sa guise… 


    Blog de lukasloup : Lukas, coeur de loup, Episode 31Les roulottes s’alignaient contre les haies du fond et les chevaux broutaient les herbes folles, moment de réconfort après une journée pénible. Sous l’une d’elle, le chien attaché dormait.

    Du chiendent avait été arraché et sur la terre mise à nu un feu de camp dansait au centre d’un cercle de pierres.

    Sept enfants assis en rond près du foyer piochaient avec leurs doigts à même une gamelle et terminaient leur repas. Leurs nippes douteuses faisaient peine à voir ; un petit ne portait ni pantalons ni godillots. Le cœur de Lukas se serra à la vue de cette misère et il remercia la destinée de l’avoir épargné.


    Trois hommes bavardaient près de la marmaille et tiraient chacun leur tour sur une pipe qu’ils se passaient. De temps à autres, une femme sortait d’une roulotte et venait voir les enfants. Lukas en dénombra trois différentes.

    Un des bohémiens, assis sur un marchepied, jouait du flûteau. Son chapeau gisait à ses pieds. Il semblait préférer se tenir à l’écart des autres et son air fermé rendait son visage encore plus dur. Une vraie trogne de brute.


    ‘Il faut absolument que je sache… un simple contact suffirait…’ pensa Lukas. 

    Mais il était peu probable qu’une telle occasion se présente. Alors il fit le vide dans sa tête, apaisa son cœur et fixant l’homme il laissa venir à lui les sensations, espérant aussi capter des images. 

    Il fut déçu. Tout ce qu’il parvint à percevoir se résuma à quelques bandes grises et sales qui s‘agitèrent quelques instants autour du bohémien.

    Il comprit quand même la noirceur de cette âme et penser qu’il serait probablement obligé de l’affronter le révulsa. 


     

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