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    L’homme quitte le sentier ensoleillé et pénètre dans les bois noirs. Il connaît l’emplacement du piège que le père Gervais a appâté le matin même, il va en profiter pour vérifier si le traquet a fait son travail. Mais il trouve les mâchoires refermées dents contre dents, et l’appât a disparu. Comme la dernière fois…

    Perplexe, il se frotte le menton quelques secondes mais il ne s’attarde pas inutilement et s’enfonce sous la futaie. Par précaution il est venu armé et porte son fusil à la main, prêt à viser et à tirer. D’un pas prudent il se dirige vers la clairière du Diable, il sait comme tous les villageois que les loups y sont installés. Il y vient un peu comme en repérage. Il se fait le plus silencieux possible, afin de ne pas alerter la meute.


    Il constate que les ronces ne sont guère fournies par ici, elles sont piétinées, comme si on y passait souvent. La horde doit être importante pour laisser de telles traces… Combien peuvent-ils être ? sept, huit… ? c’est déjà pas mal ; une famille ordinaire sans doute… 

    Ou alors bien plus, comme l’autre année…? Il sent la peur s’insinuer en lui et ses doigts se crispent sur la crosse de son fusil. Il continue quand même jusqu’à ce que les arbres s’espacent… L’énorme roche ronde fait le gros dos là-bas, et des ombres basses vont et viennent autour des rochers amassés. Il n’ose avancer plus et se tient embusqué derrière un large tronc puis tend le cou pour observer les loups. Il est un peu loin et cligne des yeux fréquemment ; c’est qu’il n’est plus tout jeune et il n’y voit plus très bien…


    Il va malgré tout essayer de les compter et en repère cinq qui folâtrent au beau milieu de la clairière. Trois autres se déplacent sur les blocs de granit, et cherchent à atteindre le haut du promontoire. Deux autres bêtes étendues semblent se reposer à l’entrée de la tanière formée par les rocs empilés.

     

    "Ah oui la tanière… d’autres se cachent sûrement à l’intérieur et dans ce cas on dépasse largement la dizaine de loups… Il faudrait rassembler les hommes du village et venir avec les fusils… Tout seul je ne peux rien faire… bien trop dangereux…" prémédite le vieux, le regard fixé vers la clairière.   


    Soudain un des deux loups bouge à l’entrée du repaire et le paysan écarquille les yeux de stupeur. Car ce n’est pas un loup, mais un humain qui vient de se mettre debout. Il s’étire et la bête tout proche, dans un élan se dresse contre lui et pose ses deux grosses pattes avant sur ses épaules.  

    Une fraction de seconde l’indiscret se demande si l’homme ne va pas se faire égorger… Mais il le voit fourrager des deux mains dans le pelage du monstre gris… Deux jeunes arrivent en jappant pour participer à la fête.


    Le vieux retient son souffle et se dit qu’il a la berlue. S’il s’attendait à ça...!!! 

    "Mais qui ça peut bien être, ce meneur de loups...??"


    Il fronce les sourcils et essaie d’y voir mieux… Par chance le garçon se tourne complètement vers lui et il peut discerner son visage. Alors il reconnaît Lukas, fils de Gervais. Maudit soit-il.  

    Le vieux repart aussi silencieusement qu’il est arrivé, la bouche tordue par un rictus mauvais. 


    Blog de lukasloup : Lukas, coeur de loup, Episode 39


     

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