• Jalousie, jalousie

     

    Vendredi 24 novembre 06 – 8h20

    Dommage pour elle. Elle s’est levée en retard et a loupé  une bonne partie de l’émission. Furieuse contre elle-même elle allume la télévision d’un geste brutal. C’est la pub, toujours cette maudite pub qui vous harcèle à longueur de temps. Elle a quelques minutes pour se préparer un thé puis revient s’installer dans son fauteuil préféré. Ah... les revoilà. Les deux présentateurs habituels et Christophe, de très bonne humeur apparemment. Et aussi Bella Modas la jolie rockeuse blonde.

    - Il ne m’avait pas dit qu’elle serait là celle-là.... ! se dit Krystal en fronçant les sourcils.

     

    Elle regarde l’écran mais mille pensées la bombardent. Elle finit par comprendre que Bella est invitée pour la sortie de son dernier album, qui va certainement cartonner comme les précédents. Christophe, toujours égal à lui-même se montre courtois, enjoué, et semble passer un super bon moment. Krystal sent la jalousie lui pincer le coeur.

    Et puis ça part en vrille, car dans la conversation un présentateur demande à Christophe :

    - Alors Christophe, toujours célibataire ?

    - Eh oui... toujours... répond-il en penchant sa tête sur le côté

     

    Krystal sent son sang qui lui tombe d’un bloc dans le fond des pieds et murmure ‘Mais... mais... pourquoi tu dis ça... ?

    - Comment ça... ?! s’esclaffe Bella Modas ...dans ce cas je veux bien être candidate.... ! Tu es tellement craquant...

    - Je te promets d’y réfléchir... réplique Christophe le sourire grand ouvert

     

    Alors Bella, poupée barbie tentatrice, s’approche de lui, pose ses lèvres sur sa joue et l’embrasse,  puis elle se rassied sur son tabouret, toute émoustillée. Le mouvement de recul qu’a fait Christophe pour l’éviter est à peine perceptible.

     

    Krystal, debout devant son téléviseur s’est liquéfiée. Elle fixe l’écran mais les images qu’elle voit deviennent incohérentes, elle sent son coeur qui s’effrite et son cerveau imploser. Du bout de son index droit elle se gratte le côté du pouce jusqu’à s’en écorcher. Sabrée sur place elle finit par éteindre la télé. Une journée de travail l’attend, qu’elle va traîner comme un boulet.

    Au fil des heures son abattement fera place à une colère sourde mêlée d’incompréhension.  

     

    Samedi 25 novembre 06 – 23h05

    Christophe est à la limite de jeter son portable par la vitre de sa voiture. Les quatre appels qu’il vient de faire sur le numéro de Krystal ont été coupés et renvoyés sur la messagerie. Il est en route pour chez elle et ne comprend pas ce qui se passe. Dans la matinée déjà, les communications n’avaient pas abouti ; peut-être du monde au magasin. Mais là, il n’y avait à priori aucune raison pour qu’il ne l’ai pas en ligne. En arrivant devant le petit immeuble il regarde vers l’appartement et y voit de la lumière. Soulagé il se gare sous la fenêtre, comme il en a pris l’habitude. Il appuiera trois fois sur le bouton de l’interphone avant d’obtenir une réponse. Elle ouvre la fenêtre et se penche. Elle ne voit pas Christophe qui se trouve sous le porche. Ah… le voilà qui recule car il a entendu du bruit au premier étage.

    - C’est moi… tu m’ouvres ?! s’exclame-t-il d’un air étonné.

    - Pour quoi faire ?!! t’es célibataire il me semble… !!!

     

    Il eut un moment de stupeur puis finit par éclater de rire et elle pensa immédiatement qu’il se fichait d’elle.

    - Mais… c’est n’importe quoi… ! Laisse-moi monter, je vais t’expliquer...

    Krystal, furieuse, oscillait entre le ‘ok je t’ouvre’ et le ‘dégage...’

    - Allez, ouvre moi…

    Elle le fixa pendant quelques secondes ; d’accord, mais là il allait apprendre à la connaître…

     

     

    Elle referma sa fenêtre et se dirigea dans l’entrée pour lui débloquer l’accès. Arrivé sur le palier Christophe pianota sur la porte et il fut reçu par une Krystal qu’il ne soupçonnait pas. Son visage avait perdu cette douceur qu’il aimait tant et une moue de colère faisait trembler ses lèvres. Son regard d’un gris-bleu glacial captura le sien et il eu la sensation d’être sondé jusqu’aux tréfonds de son être.

    - Alors ??? lui jeta-t-elle sur un ton agressif.

    - Quoi… ?! …je fais en sorte de préserver ma vie privée c’est tout… je ne suis pas obligé de tout raconter aux médias…

    Il ne bougeait pas, et avait choisi soigneusement ses mots tout en observant les réactions de Krystal.

    Elle allait et venait dans l’entrée, tout en le dévisageant avec une insolence flamboyante.

    - Tu ne préserves rien du tout… au contraire… en faisant croire que tu es toujours seul tu offres toutes les ouvertures possibles… C’est comme si tu me reniais ! En plus tu fais le joli cœur avec les filles… en fait ça te plaît de les faire rêver…

    Elle s’était mise à trembler, et avait prononcé ces derniers mots d’une voix étranglée. Alors d’un geste vif il l’attrapa par les poignets et sans qu’elle s’y attende la plaqua habilement contre le mur. Collé contre elle il lui murmura dans l’oreille :

    - Calme toi…

    Se sentant piégée elle se débattit violemment et lui échappa ; elle lui cria, le souffle court : 

    - Tu me prends pour quoi… ??!! Va te faire voir… je ne suis pas un jouet …. J’aurai jamais dû commencer cette histoire avec toi...

     

     

    Et n’y tenant plus elle leva sa main et lui envoya une gifle mémorable avec toute la force de la jalousie qui la bouffait. Abasourdi par les proportions que prenait ce qu’il considérait être une broutille, Christophe ne savait quelle attitude adopter. En fait il avait une horreur absolue de ce genre de situation. Et sa joue lui chauffait. Krystal s’était réfugiée dans le salon et à présent elle pleurait, debout devant les portes du balcon. Il la voyait de biais. Elle sanglotait comme une enfant, comme si elle se soulageait d’une accumulation de larmes trop longtemps contenues.

    La tourmente était passée, et ses pleurs achevaient de la libérer. Elle passait de temps à autre les manches de son pull sur ses yeux. Christophe  s’avança vers elle, tout près, et il la sentit se crisper à son contact.

    - Je suis avec toi… vraiment avec toi…lui dit-il

    Il la prit par les épaules et l’obligea à se retourner. Ses yeux délavés par les larmes semblaient le regarder sans le voir.

    - Merci pour le tatouage… plaisanta-t-il en haussant les sourcils

     

    Elle passa ses doigts sur sa joue empourprée. C’est vrai qu’elle ne l’avait pas loupé, mais que pouvait-elle dire ? Qu’elle ne voulait pas lui faire ça ??!

    Si ... et elle l’aurait même étripé sur place si elle avait pu. Tant pis pour lui, elle avait eu trop mal. C’est comme si d’un seul coup elle n’avait plus existé pour lui... Et elle avait tellement peur de le perdre... Mais à cet instant il était là, tout près, trop près même et elle percevait son appel qui résonnait en elle. C’était plus fort que tout.

    - Tu vas rentrer ? demanda-t-elle

    - Non, je ne rentre pas.

     

     

     

     

     

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