• Le Noël de la solitude

     

    Assez tôt le soir du réveillon elle l’avait appelé pour lui souhaiter une très belle nuit de Noël. Elle l’avait senti heureux de son appel, d’ailleurs il s’était isolé dans sa chambre pour lui parler tranquillement. Il s’était montré contrarié de la savoir seule en cette occasion, mais elle lui répondit qu’il ne devait pas s’en faire, qu’elle y était habituée. Elle laisserait la télé mais couperait le son et écouterait de la musique d’ambiance tout en écrivant. Elle avait prévu un cadeau pour Christophe, et avait choisi un pull dans les tons violet foncé avec des empiècements imitation peau sur le devant. Son téléphone fixe sonna une fois, sans suite. Sans doute une erreur. Ni son frère ni son père ne l’appelèrent.

     

     

    Ce soir elle s’en fiche, elle écrit des poèmes.

     

    Ceux-là dont les manteaux ont des plis de linceuls,

    Goûtent la volupté divine d'être seuls.

    Leur sagesse a pitié de l'ivresse des couples,

    De l'étreinte des mains, des pas aux rythmes souples.

    Ceux dont le front se cache en l'ombre des linceuls,

    Savent la volupté divine d'être seuls.

    Ils contemplent l'aurore et l'aspect de la vie

    Sans horreur, et plus d'un qui les plaint les envie.

    Ceux qui cherchent la paix du soir et des linceuls

    Connaissent la terrible ivresse d'être seuls.

    Ce sont les bien-aimés du soir et du mystère.

    Ils écoutent germer les roses sous la terre

    Et perçoivent l'écho des couleurs, le reflet

    Des sons... Leur atmosphère est d'un gris violet.

    Ils goûtent la saveur du vent et des ténèbres,

    Et leurs yeux sont plus beaux que des torches funèbres.

     

    Krystal gribouille dans la marge du cahier et réfléchit.

    La terrible ivresse d'être seule... Etait-ce vraiment une ivresse ? ou

    plutôt une détresse ?

     

    Elle n’avait pas vraiment choisi, on l’avait nourrie à la solitude. Dès son premier cri elle lui avait collé à la peau comme une deuxième ombre. A l’instant où elle posait son premier regard sur la vie, sa mère fermait les yeux à jamais. Elle ne connut pas l’amour d’une mère, elle ne connut pas les bras de son père autour d’elle, brisé par la fatalité et bien incapable d’assumer cette petite vie qui arrivait mais le privait de son épouse.

    L’infirmière lui amena le bébé en disant :

    - C’est une petite fille, elle a pu être sauvée… Quel prénom avez-vous choisi ?

    Son père, dévasté de chagrin, la regarda à peine et répondit :

    - ...appelez-la comme vous voudrez… ça m’est égal…

     

    Elle avait été confiée à une nourrice jusqu’à l’âge de quatre ans. Son père l’avait récupérée alors, et avait fait venir la grand-mère Rosy pour l’aider à s’occuper de ses deux enfants. Bruno vit arriver cette petite sœur avec méfiance. Il était persuadé qu’elle lui porterait malheur, d’ailleurs n’avait-elle pas fait mourir sa maman ?! Il l’évitait soigneusement et la tolérait tout juste, son père l’ignorait, seule la grand-mère se montrait un peu affectueuse de temps en temps. La solitude était son paysage et elle s’en protégeait derrière une muraille d’indifférence. Elle regardait depuis toujours le monde du haut de son détachement. Elle n’en était pas plus malheureuse que ça, sa vie intérieure très riche compensait jusqu’à présent le désert qui l’entourait.

     

    Mais sa rencontre avec Christophe avait changé la donne, elle avait mis un pied à l’extérieur de sa bulle et entrevu l’amour. Depuis elle en avait une soif intarissable, avide et impatiente de combler le manque de toutes ces années insipides… Elle désirait sa présence à chaque instant, il lui était devenu une obsession aigue, un tourment intense et cette emprise grandissait de jour en jour.

     

     

     

     

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