• Les archives inachevées - 2

     

    J'ai les mains qui transgouttent. Je dois retourner dans le cagibi aux boîtes.  

    C'est le tas des toutes petites boîtes.  

    Il y a dans celle-ci toute une collection de boutons, ceux rangés dans le tiroir droit de la machine à coudre à pédale. Je passe des heures à les trier, à les manipuler. Ceux que préfère sont en verre à facettes, très gros et de couleur un peu ocre.

    Ils me sont très précieux, car je regarde à travers face à la lumière du jour et je refais le monde. C’est chaud dedans, c’est lumineux, plein de petites bulles et tout y est doré. Je tourne doucement le bouton devant mon œil et le jardin tourne avec, en plusieurs exemplaires. Je ne me lasse pas d’y regarder, il y fait toujours beau. C’est la même chose avec les billes et leur cœur en fibres de couleurs.

     

    J’y trouve aussi la grosse loupe en demi-sphère à la base aplatie. Elle est à mon grand-père et souvent je lui emprunte, surtout quand le soleil brille. Car je suis une tortionnaire. Je me promène dans la cour à la recherche des fourmis. Je sélectionne une victime. En interposant la loupe entre le soleil et elle, j’assiste à sa crémation quasi instantanée. C’est radical. Trois secondes d’exposition au rayon solaire, elle se recroqueville et la voici carbonisée. Mais il m’arrive aussi de temps en temps d’en jeter une dans un bocal d’eau, et de la regarder couler vers le fond même si elle remue ses petites pattes. Bon, à priori une fourmi ça ne sait pas nager, et j’ai tenté l’expérience de nombreuses fois.

      

    Je regarde la boîte à eau.

    J’ai l’impression qu’elle a un peu séché.

     

     

    Je me promène dans la cour de la maison, avec à la main le masque qu’utilise mon père quand il fait de la soudure à l’arc. Un verre fumé à peine grand comme une carte postale lui protège les yeux des lueurs bleues.

    Moi je surveille le soleil avec. Je le regarde au travers du carreau et tente de déceler des indices de la Catastrophe qui se produira tôt ou tard. Car je suis sûre qu’un jour il va tomber sur la terre et on mourra tous. Il semble très loin pourtant, petite bille blanche immobile devant laquelle passent des nuages vagabonds. 

     

     

    Ah oui… parlons-en des nuages ! Les petits nuages blancs et grisâtres ne me gênent pas. Mais les gros nuages sales et bouffis qui passent bas en roulant quand le vent les pousse m’horripilent. Je préfèrerai qu’ils crachent leur grêle et qu’on n’en parle plus. Mais ils s’empressent de glisser vers je ne sais où ces monstres, en trimbalant leur noirceur ailleurs pour mieux revenir.  

     

     

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