• Rupture mortelle

     

    Jeudi 11 janvier 2007 – 20h20

    Krystal se sent créative ces jours ci. Penser à Christophe la galvanise et les mots s’échappent tout seuls de son stylo. Elle pense à lui, plus que trois jours et la mise en quarantaine sera terminée. Enfin elle espère qu’il ne viendra pas lui annoncer la fin du monde. En attendant elle écrit et dessine des arabesques à l’encre de chine autour de ses poèmes.

     

    Au fond d’émois,

    Il y a un loup sauvage qui mord

    Une bête en dedans qui me dévore

    Incandescente comme un astre

    Dont la chaleur brûle et me tord

    C’est une maladie qui s’étend

    Se propage en moi, me dévaste

    Toujours plus loin, toujours plus fort

    Dans chaque soupir, chaque pore.

    L’envie de toi me carnivore

    Mange toute la chair de mon corps

    Assèche mes larmes et mon sang

    Me réduit en cendre d’or.

    Et mon cœur qui bat trop fort

    Se brisera juste à l’aurore

    De n’t’avoir pas revu encore…

     

    Sa peau s’électrise et son coeur palpite. Elle l’aime.

    Elle a décidé de se coucher plus tôt ce soir car elle a envie de se reposer un peu. D’abord elle remet un peu d’ordre dans l’appartement, et change de place pour la troisième fois le nouveau vase qu’elle a acheté hier. Elle le pose sur le petit meuble de l’entrée, ici il est bien mis en valeur et les fragments de mosaïque bleue qui le recouvrent scintillent dans la lumière. Elle sourit, elle est satisfaite. Demain elle y ajoutera des fleurs, on trouve toujours des fleurs même en hiver.

    Mais voilà que quelqu’un frappe à la porte. Sûrement une voisine qui a besoin d’un service quelconque. La déranger à cette heure ci quand même, elle n’est pas gênée... ! Elle se dirige vers la porte en râlant un peu et ouvre. Elle tressaille de surprise car devant elle se dresse la grande silhouette de Christophe. Ses épaules et ses cheveux scintillent de quelques flocons qui ne sont pas encore entièrement fondus. Comment cela se peut-il ? elle n’a pas entendu la voiture arriver... Devant son air étonné Christophe explique en entrant :

    - Je me suis garé en haut sur l’avenue. Il neige beaucoup et avec cette impasse en pente j’ai peur de ne pouvoir remonter. Et à cause du froid, la porte du bas ne se  bloque plus.

     

    Peu importe. Le principal c’est qu’il soit là. Finalement il n’a pas tenu jusqu’à dimanche. Tant mieux.

    Krystal a du mal à contenir sa joie de le revoir. Elle lui prend les mains mais sa réaction est plus que tiède.

    - Je suis venu mettre les choses au point avec toi.

     

    Elle sent sa bonne humeur qui l’abandonne ; ça veut dire quoi exactement "mettre les choses au point" ? Il ne l’a pas embrassée, ni serrée dans ses bras en arrivant.

    Pourquoi Christophe, pourquoi ? explique-moi...

    Elle n’a pas dit un mot mais ses yeux ont hurlé. Elle lui tient toujours une main qu’elle serre de plus en plus.

    Il a le même visage qu’à l’instant où il la renvoyait de chez lui l’autre jour. Triste et fermé.

    - C’est fini Krystal... toi et moi c’est terminé... C’est trop compliqué...

    Elle sentit sa raison se répandre autour d’elle et lui revenir disloquée dans sa tête en vrac.

    - ... mais... j’ai décidé de changer... je te promets... laisse moi une chance au moins... bafouilla-t-elle

    - Non, j’ai bien réfléchi... on ne change pas sa nature profonde... ça ira quelques semaines et un beau jour tu repiqueras ta crise... et ça recommencera comme ça, encore et encore... Je n’ai pas envie d’une relation en dents de scie...

    Ce fut un cataclysme dans son coeur broyé. Elle lâcha sa main et le regarda, pantelante... Comment pouvait-il lui faire ça ? C’était lui cette fois qui ne lui faisait plus confiance.... Elle ne le reconnaissait même plus... Il était froid, insensible et son regard était vide...

    - Christophe...  dis-moi que ça n’est pas vrai.... on ne peut pas se quitter comme ça, c’est pas possible... mais dis-moi quelque chose..... !!!

    - Je n’ai plus rien à te dire.

    Ces derniers mots l’achevèrent. Ainsi il ne voulait plus d’elle, il gaspillait cet amour fou qu’elle s’apprêtait à lui offrir pour toujours. Elle ne pouvait accepter l’inacceptable, elle avait l’impression d’être étranglée sur place... Avec Christophe c’était à peine possible, mais sans lui c’était pas possible du tout... C’était même pire que ça. Il lui échappait pour toujours mais l’artiste continuerait à hanter ses jours par ses chansons, les images à la télévision et ailleurs... Il serait toujours partout sauf près d’elle. Et ça, non.

     

    Alors dans un dernier geste inattendu d’égarement elle attrapa à deux mains le joli vase aux mosaïques bleues et le leva à bout de bras avant de le projeter en avant vers Christophe.

    Là le temps parut s’étirer et la scène qui se déroulait sous ses yeux lui envoyait par flash des images saccadées qu’elle reçu comme autant de gifles. Atterrée devant l’abomination elle recula jusqu’à la limite du salon alors que le vase retombait sur le sol pour s’y fracasser en mille morceaux, accompagnant la chute de Christophe qui dura une éternité. Brisée face à l’irréparable, elle senti ses jambes fléchir et elle dû s’agripper au fauteuil pour ne pas tomber. Mais sa conscience l’abandonna, sa vision se brouilla et les images se disloquèrent puis disparurent, absorbée par un noir d’encre. Alors elle s’écroula lourdement sur le parquet.

     

     

     

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