• Lukas dépassa le sentier qui menait aux bois Jandreau et continua son chemin jusqu’à la masure de la Jeanne. Il se promit de faire un détour par la clairière avant de rentrer au village. Il en avait tellement envie… Mais pour l’heure il voulait demander à la vieille guérisseuse des plantes pour sa maman. Elle vivait à l’écart de tous à l’orée du petit bois des Groppes. Il trouva la vieille femme non loin de sa maison, traînant avec peine un seau d’eau qu’elle venait de puiser à la rivière. Lukas se précipita pour la décharger de son fardeau. Elle s’arrêta un peu pour reprendre son souffle avant de rejoindre le garçon qui avait déjà franchi les trois marches effondrées menant à son logis.


    - Merci mon grand, tu es arrivé à point...


    Il lui tendit une main pour l’aider à monter.
    - Vieille Jeanne... j’ai besoin d’un remède pour la maman
    - Entre donc et explique-moi ce qui ne va pas... dit-elle en poussant Lukas vers l’intérieur sombre de la bicoque.
    La lourde porte se referma sur eux.

    Une heure après il ressortait de chez la Jeanne confiant ; il tenait serrée contre sa poitrine une grosse aumônière en peau remplie d’herbes séchées et fermée par un lacet. Il se répétait les consignes qu’elle lui avait données pour soulager l’Adèle. Il courait presque sur le sentier des grands bois, car il filait vers la clairière du Diable comme prévu. Il était encore tôt et il comptait bien en profiter pour voir ceux qu’il avait entendus pendant la nuit. Alors qu’il s’engageait entre les premiers chênes, il noua le lacet de l’aumônière à sa ceinture pour ne pas la perdre.


    Il avançait vite et il voyait déjà se profiler derrière les arbres la masse noire de l’énorme roche. Il ralentit pour se faire plus discret mais poussa plus avant que la dernière fois. La clairière était calme, comme désertée. Seuls quelques bruissements de feuilles et de souffle de vent dans les branches troublaient le silence. La rivière qui cascadait plus loin derrière les roches racontait ses clapotis d’eau. Il se posta là, accroupi au pied d’un châtaignier centenaire. Immobile il figea aussi ses pensées pour ressentir pleinement la nature qui l’entourait, en décoder le moindre signe et percevoir le plus léger mouvement. Il guetta longtemps, mais il ne se passa rien.
    Ses jambes ankylosées l’obligèrent à se remettre debout. Il se frictionna les cuisses avec vigueur, secoua un pied puis l’autre et jugea qu’il était grand temps de rentrer aux Forges. Il reviendrait demain après l’école, le plus urgent était de rapporter la tisane à sa très chère mère.


    Il cheminait d’un bon pas, le nez au vent humide et une main sur l’aumônière quand il entendit loin derrière lui le bruit d’une cavalcade qui se rapprochait rapidement. Il se retourna un bref instant mais ne vit rien, alors il se signa et se mit à courir. La sarabande s’amplifiait, les branches mortes écrasées craquaient et des grondements rauques lui arrivaient par bribes. Il courait, de ses mains en avant il repoussait les branchages bas, il courait vite, de plus en plus vite, il s’essoufflait, il avait un point de côté … et ces sous-bois qui n’en finissaient pas, il pensait que jamais il n’atteindrait le chemin.

    Il tourna la tête vers l’arrière, s’arrêta et fit volte-face en se penchant en avant, une main sur son ventre… ils étaient là, juste à quelques mètres et fonçaient sur lui… Contre toute attente les deux loups stoppèrent leur course folle. Alors que l’un des deux s’agitait dans les taillis en grondant, le plus clair se tenait debout devant Lukas et le fixait de ses yeux jaunes, les oreilles bien droites. Sa queue s’abaissait peu à peu. Le garçon sentait la peur s’insinuer en lui, il haletait mais ne bougeait pas ; la sueur perlait sur son nez. Il ne savait que faire : attendre comme ça immobile ou reprendre sa fuite et finir dévoré.


    Le loup gris décida de son destin. Il bondit des fourrés d’un coup et se rua sur Lukas pétrifié. Au même instant l’autre loup se jeta sur son congénère pour contrer son attaque. Les deux bêtes s’abattirent sur la poitrine du garçon qui bascula sur le côté. Dans sa chute sa tête heurta un tronc et il s’écroula au pied d’un grand chêne.


    Blog de lukasloup : Lukas, coeur de loup, Episode 4

     

     

     

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